Le prix de l’édition

Tous les ans, les prix littéraires suscitent tapage médiatique et controverses. En parallèle des plus prestigieux, ils sont plus de 2.000 à être décernés chaque année en France. Que savons-nous réellement sur eux et que disent-ils de monde des livres ?

prixlitterairesSylvie Ducas, maître de conférences en littérature française, a mené l’enquête avec l’objectif de mieux comprendre « à quel prix la littérature s’écrit, se consomme et se lit aujourd’hui ».

Dans son ouvrage, elle examine à la loupe les plus connus comme le traditionnel (Goncourt), le contestataire (Femina), l’ironique (Renaudot). Elle n’oublie pas les prix populaires créés par les médias : le participatif (Prix des lectrices de Elle), le professionnel (Prix des libraires) ou le labellisé (Prix du roman Fnac) ainsi que les connectés (décernés par la blogosphère).

Elle revient sur l’histoire des prix littéraires qui se sont imposés au cours du XXe siècle. Processus de consécration nés des réalités marchandes de l’industrie culturelle, ils avaient pour objectif de fonder une légitimité nouvelle du livre et par extension, de l’écrivain.

À travers l’étude des cérémonies de remise des prix et leur caractère immuable, Sylvie Ducas met à jour une ritualisation à la limite de l’initiatique pour conserver le mythe d’une littérature sacrée tout en légitimant la figure de l’auteur. Peu importe le nombre de prix, qu’elle soit prestigieuse ou populaire, chaque remise convoque les fantasmes du grand écrivain et du chef d’œuvre.

Ainsi, les prix littéraires participent au déni collectif qui refuse de voir l’édition comme une industrie culturelle soumise aux impératifs des marchés. Alors même que l’autre enjeu des prix littéraires est bien de guider le lecteur dans la « Babel des livres ». Par le pouvoir de l’institutionnel (organisateur de l’événement) et du jugement critique, c’est l’excellence littéraire qui est reconnue et médiatisée auprès du grand public. Un coup de projecteur sans lequel « nulle promotion d’un livre ni succès de son auteur ne sont possibles ».

Ce livre n’est ni un guide pratiques sur les prix littéraires, ni une simple revue d’effectifs. C’est une véritable réflexion sur l’histoire culturelle de la reconnaissance de la littérature par les prix et son impact sur leurs auteurs consacrés. Merci d’avoir rappelé que les grands écrivains étaient avant tout des auteurs populaires qui ont dû répondre à des contraintes éditoriales. Car : « Qu’on le déplore ou non, la valeur littéraire d’un livre ne s’oppose pas de façon manichéenne à sa valeur marchande. »

Un livre qui fait réfléchir sur son rapport au désir de publier quel que soit le genre dans lequel on écrit, populaire ou confidentiel.

« Car il n’existe pas une littérature, homogène et monolithique, mais des littératures, certaines exigeantes, déconcertantes ou inédites, d’autres « consentantes », convenues ou mercantiles. Bien que multiples et construites selon les stratégies de positionnement esthétique ou social de l’écrivain et l’horizon d’attente du public auquel elles se destinent, toutes s’affrontent au sein du même champ littéraire et éditorial. »