Indiscrétion de voyage

20151022_CarnetGaultierJe n’avais rien vu, occupée à jeter les idées de mon prochain roman sur le carnet acheté à l’exposition Gaultier. J’adore ouvrir de nouveaux livrets, l’odeur du papier, les feuilles encore vierges de toute rature…

Je n’avais rien vu donc. À peine avais-je perçu quelques miaulements et des pleurs de bébé, les uns se confondant avec les autres. À peine avais-je remarqué le nombre de voyageurs circulant dans l’allée alors que nous étions dans le dernier wagon. En queue du train. Après nous, les rails.

Au 50ème passant non rugissant, j’ai levé le nez de mon carnet et regardé dans quelle direction filaient les sourires. C’est là que j’ai aperçu une houppette blanche sur le haut d’une tête par-dessus les fauteuils, juste devant moi.20151022_Houpette

Coïncidence impossible ! J’ai regardé mon carnet, touché la couverture. La houppette était toujours là, oscillant de droite à gauche comme pour dire non, elle aussi.

C’est alors qu’a résonné : « Mais regarde ! On dirait des fesses, c’est pas possible ! »

La voix a levé mes derniers doutes.

C’était LUI ! LUI qui voyageait avec un ami et un siamois (d’où les miaulements, suivez un peu svp).

LUI dont j’avais admiré le génie créateur au Grand Palais quelques jours auparavant… LUI qui habille tous les corps et tous les sexes. Qui marie romantisme et sexualité, avec la provocation pour maîtresse.

Les deux hommes ont parlé anglais ensuite, sans doute pour qu’on ne les comprenne pas. Je crois qu’ils étaient en train de créer. Je n’ai pas cherché à comprendre. Je me sentais juste bien dans cette proximité, comme quelqu’un de bien côtoyant quelques célébrités, « juste quelqu’un de bien ». Je crois que j’ai souri.

Arrivée à Montparnasse. Au bout du quai, un chauffeur tenait une pancarte « M. GAULTIER » sans préciser que c’était J.P. J’aurais voulu l’attendre moi aussi. Lui faire signe « Regardez, j’écris mes romans dans vos carnets !».

Je n’ai pas osé.
J’ai poursuivi mon chemin en me demandant comment il m’habillerait…

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